Axes de recherche
Les objectifs de recherche de C²EMPI s’étalent sur 7 axes scientifiques. Le programme scientifique est accompagné par une action de formation ambitieuse sur plusieurs masters de l’université de Lille. Son objectif est de former des étudiants à la recherche interdisciplinaire en mathématiques, physique, ingénierie et sciences des données.
L'objectif principal de cet axe est l'étude des systèmes quantiques fortement corrélés. Ces derniers constituent une classe de matériaux dont le comportement ne peut être expliqué par la simple application de la physique classique ou de la mécanique quantique à une seule particule. Leurs propriétés émergent des interactions complexes entre de nombreuses particules, donnant lieu à des phénomènes nouveaux tels que la supraconductivité à haute température, les transitions de phase quantiques, la localisation à plusieurs corps, la production d'intrication et l'ordre topologique fractionnaire.
Les simulations quantiques sont un outil puissant pour étudier ces systèmes, car elles permettent d'émuler le comportement des systèmes fortement corrélés en concevant des configurations expérimentales avec un haut degré de flexibilité et de contrôlabilité. C²EMPI s'appuie sur des systèmes atomiques, photoniques, micromécaniques et électroniques pour mettre en œuvre des phases fortement corrélées. De plus, il abordera des questions en théorie de l'information quantique, en métrologie quantique, ainsi que dans le développement de nouveaux matériaux quantiques.
De nombreux systèmes complexes ne peuvent être considérés ni comme totalement organisés ni comme totalement désordonnés, mais possèdent plutôt un degré de désordre contrôlable. Par exemple, les instants où un détecteur adapté enregistre un clic lorsqu’il est ciblé par un faisceau de photons ou d’électrons à faible intensité ne sont pas strictement déterministes, mais peuvent présenter divers degrés de régularité ; cette observation constitue le fondement de la cohérence optique. De même que les électrons, les valeurs propres d’une matrice aléatoire ne se regroupent généralement pas. En troisième exemple, un désordre contrôlé peut également être conçu dans des matériaux physiques afin d’obtenir des propriétés de propagation souhaitables. Les modèles mathématiques décrivant ces situations de désordre contrôlé sont généralement des systèmes d’interaction, où les interactions entre les éléments sont responsables de l’organisation structurée de l’ensemble. Cependant, un niveau croissant d’interaction introduit des difficultés mathématiques croissantes lorsqu’il s’agit d’analyser – voire parfois de définir rigoureusement – ces systèmes d’interaction. Nous sommes une communauté interdisciplinaire dédiée à la compréhension des propriétés théoriques des systèmes désordonnés et aléatoires, ainsi que de leurs conséquences pratiques.
Cet axe s’appuie sur des forces historiques de l’Université de Lille, notamment en géométrie stochastique et ses applications à la physique et à l’informatique. Le CDP C²EMPI donnerait davantage de visibilité aux collaborations existantes, ainsi que les moyens de porter nos ambitions à un niveau supérieur. À l’échelle locale, des projets financés impliquent déjà des participants de plusieurs laboratoires sur des tâches spécifiques, comme le projet ANR Random (LPP, IEMN) sur les processus ponctuels et les métamatériaux, ou l’ERC Blackjack (CRIStAL, LPP) sur les méthodes de Monte Carlo avec des processus ponctuels répulsifs. Nous animons également un groupe de travail réunissant chaque semaine 20 chercheurs des laboratoires LPP, CRIStAL et PhLAM sur les processus ponctuels en interaction. À une échelle plus globale, nous avons accueilli et participé à des réseaux nationaux du CNRS tels que les GDT GeoSto, Ondes, Méga, et avons organisé des conférences internationales sur les thématiques de cet axe, comme notre conférence de 2023 sur l’hyperuniformité et la rigidité.
La topologie est une branche des mathématiques qui étudie les propriétés des objets qui restent inchangées sous des déformations continues. Elle se concentre principalement sur la description et la classification de ces propriétés à travers le concept d’invariants topologiques. Étudiée en profondeur depuis le XIXᵉ siècle, il a été possible de définir avec succès des invariants complets pour les fibrés et d’autres objets mathématiques en une et deux dimensions, ainsi qu’en quatre dimensions et au-delà, où la grande connectivité de l’espace simplifie les classes topologiques disponibles. Cependant, la description des variétés tridimensionnelles à l’aide d’invariants topologiques reste un domaine de recherche très actif en mathématiques. La connectivité particulière de cette dimension empêche la définition d’invariants complets, et la classification topologique des objets mathématiques (nœuds, liens algébriques, singularités, variétés, etc.) nécessite une étude cas par cas. De nombreuses questions fondamentales, qui feront l’objet de recherches dans le cadre de C²EMPI, restent ouvertes, comme la résolution de la conjecture de Ragsdale dans certains cas spécifiques et la définition d’invariants en théorie quantique des champs.
Inspirée par ces concepts mathématiques, la topologie en physique a suscité beaucoup d’intérêt depuis les années 1980. Le premier succès de cette approche a été d’expliquer l’origine de l’effet Hall quantique dans les microstructures électroniques, un phénomène qui a conduit à trois prix Nobel différents depuis 1985. En effet, le concept d’invariant topologique peut être appliqué aux bandes électroniques et photoniques d’un matériau. Sa valeur est toujours un entier et elle est préservée sous les déformations continues du solide. Plus important encore, elle permet de prédire l’existence de canaux de propagation aux bords du matériau. Ces notions ont été utilisées en 2005 pour découvrir une nouvelle classe de matériaux appelés isolants topologiques, et en optique, elles ont été utilisées pour concevoir, entre autres, des lasers topologiques sur une puce photonique et pour diriger des photons autour de coins dans des dispositifs intégrés avec une résilience sans précédent au rétrodiffusion.
C²EMPI vise à aborder certaines des questions ouvertes en topologie dans les domaines des mathématiques, de l’optique et de l’acoustique. L’une des activités centrales du consortium est la conception et l’étude de nouvelles phases topologiques pour les photons, les phonons et les électrons, à la fois pour des intérêts fondamentaux et pour d’éventuelles applications. Celles-ci incluent les phases topologiques dans des réseaux sous modulation périodique, en présence de non-linéarités, la protection topologique acoustique avec des métamatériaux multi-échelles, ainsi que le développement de dispositifs topologiques dans la gamme THz pour les communications intégrées.
La maîtrise des phénomènes ultrarapides est devenue un défi clé pour de nombreuses applications, allant des télécommunications à haut débit et du traitement du signal aux nouvelles générations d'accélérateurs de particules. La science et la technologie THz, ainsi que la physique ultrarapide, sont devenues des catalyseurs technologiques majeurs dans divers domaines : radioastronomie, observation de la Terre, prévisions météorologiques, imagerie de sécurité, télécommunications, tests non destructifs de dispositifs.
L’Université de Lille héberge plusieurs groupes qui se sont imposés comme leaders dans des domaines complémentaires de la science et des communications ultrarapides, notamment le développement de la science et de la technologie THz, de nouveaux systèmes ultrarapides pour les communications optiques et sans fil à haut débit, la photonique fondamentale, ainsi que le développement de fibres à cœur creux à haute capacité. Le campus de Lille abrite également deux grandes installations technologiques dédiées aux composants semi-conducteurs et photoniques (le centre technologique de l’IEMN et la plateforme Fibertech), qui peuvent fournir des composants clés pour ces systèmes ultrarapides.
Cependant, bien que ce domaine ait progressé au cours des 15 dernières années, de nombreux obstacles subsistent pour débloquer les importants bénéfices scientifiques et sociétaux attendus de cette science, allant de la recherche scientifique fondamentale (radioastronomie, optique quantique) à des sujets très appliqués et orientés vers la société, comme les communications 6G, l’imagerie médicale et le suivi du climat. Un autre domaine de la science ultrarapide dans lequel les groupes de Lille excellent est la physique des accélérateurs. En particulier, ces groupes ont proposé de nouvelles méthodes pour produire de la lumière (rayons X) dans des lasers à électrons libres, ainsi que des approches novatrices pour le contrôle du rayonnement synchrotron THz, en collaboration avec le laser à électrons libres FERMI (Italie), SOLEIL (France) et le Karlsruhe Institute of Technology (Allemagne).
Cette position privilégiée dans le développement de la science ultrarapide et des systèmes de communication de données à travers différents laboratoires du campus de Lille, le centre technologique de l’IEMN et la plateforme Fibertech constitue une rampe de lancement pour repousser les limites des communications ultrarapides et à haute capacité, de la physique des accélérateurs et de la photonique ultrarapide.
Diviser de grands systèmes en unités plus petites est souvent une approche efficace pour gérer leur complexité. Néanmoins, de nombreux systèmes dynamiques complexes défient cette simplification. Ces systèmes présentent souvent des composants qui montrent de fortes interconnexions globales, rendant impossible leur description à travers des modes globaux. De plus, ces composants interagissent de manière non linéaire, ce qui exclut l'utilisation des principes de superposition linéaire. De tels systèmes dynamiques affichent une large gamme de comportements émergents intrigants qui ne découlent pas directement des lois et interactions régissant les composants individuels et échappent aux approches simples, des oscillations auto-entretenues au chaos déterministe et à la turbulence.
Cependant, les systèmes dynamiques complexes montrent une organisation raffinée qui peut être dévoilée en utilisant les concepts mathématiques appropriés (par exemple, le formalisme multifractal pour les attracteurs chaotiques ou la transformation de dispersion inverse pour la turbulence intégrable). Ce qui fait de la théorie des systèmes dynamiques un formalisme unificateur pour divers domaines est l’universalité des phénomènes observés et leur description par les mêmes outils. En conséquence, ce domaine offre de nombreux défis, mais aussi de nombreux problèmes mathématiques ouverts, dont les solutions peuvent facilement être transposées dans un autre domaine une fois qu'elles ont été formulées dans un langage commun.
Cet axe explore le domaine captivant des systèmes dynamiques complexes, en comblant les lacunes entre la physique, les mathématiques, l'électronique et la biophysique, et en créant des opportunités pour des applications disruptives. Nous ferons des avancées dans des domaines aussi variés que la turbulence intégrable (menant à des communications à haute vitesse robustes), la dynamique des paquets d’électrons relativistes (avec la génération de rayonnement THz intense), la fibre optique fortement non linéaire (menant à des peignes de fréquence non linéaires pour la télédétection ou les communications), l'acoustique non linéaire (menant à des pinces acoustiques ou des surfaces autonettoyantes), la dynamique des systèmes biologiques (avec des applications aux protocoles thérapeutiques), les foliations et laminations dans les systèmes dynamiques holomorphes, la dynamique des systèmes linéaires et non linéaires de dimensions infinies et leur relation avec la théorie ergodique, les liens entre géométrie, groupes et systèmes dynamiques, pour n'en citer que quelques exemples notables.
Les symétries sont omniprésentes en mathématiques et dans la vie quotidienne. Le concept de base d'une fonction périodique sur les réels étudiée dans la théorie classique de Fourier a été largement généralisé dans la notion de forme automorphe (une fonction admettant de multiples symétries par un groupe non commutatif). Les objets puissants qui apparaissent lors de l’étude des formes automorphes sont leurs fonctions L, qui jouent un rôle central dans les conjectures de Langlands. Ces théories ont même été étendues aux nombres non archimédiens (p-adique ou l-adique), dont la nature pro-finie et totalement déconnectée est particulièrement pertinente dans le monde numérique dans lequel nous vivons. Ce qui est encore plus fascinant, ce sont les symétries cachées, telles que celles cachées dans la fonction zêta de Riemann ou, plus généralement, dans la fonction L d'une courbe elliptique — l'importance de percer les secrets de ces objets est reconnue en les intégrant dans les problèmes du prix du millénaire.
Un thème fort de cet axe est l'étude des objets qui émergent à l'interface de la géométrie algébrique, de la théorie des formes automorphes et de la physique, dont la caractéristique commune est que leurs espaces de modules sont des quotients arithmétiques de domaines symétriques complexes. Ces questions arithmétiques sont naturellement abordées en exploitant la géométrie des variétés algébriques dotées de symétries particulières, y compris les variétés de Shimura, les surfaces K3, les variétés hyperkähleriennes et les variétés de Fano. De tels objets apparaissent également naturellement en physique, et leur classification est liée à des problèmes ouverts fondamentaux dans la théorie de Yang-Mills et la symétrie miroir.
La disponibilité accrue de puissances de calcul massives au cours des cinq dernières décennies constitue à la fois une opportunité et un défi. En effet, elle permet la simulation de phénomènes de plus en plus complexes, tout en nécessitant le développement de techniques numériques adaptées pour fournir des algorithmes efficaces et robustes afin d'effectuer les calculs nécessaires de manière fiable et rapide. Cela impacte la modélisation des problèmes physiques et biophysiques, car cela permet, par exemple, de réaliser des expériences numériques in silico.
Les chercheurs impliqués dans cet axe ont un historique de travaux transdisciplinaires au sein du consortium, ainsi qu'avec des partenaires externes. Par exemple, les chercheurs du consortium ont collaboré dans le domaine de l'optique non linéaire en utilisant la plateforme FIBERTECH de l'Université de Lille. Ils ont également participé au projet H2020 EURAD et ont étudié des modèles de corrosion dans le contexte du stockage des déchets nucléaires, une technologie clé pour la transition énergétique.
Nous visons à simuler et étudier des modèles de systèmes physiques et biophysiques dans divers contextes. Ceux-ci incluent la simulation numérique de la physique des équations dispersives non linéaires, la simulation numérique de la corrosion des matériaux, les effets des fluctuations thermiques sur les phénomènes mécaniques, les sciences de la vie et l'écologie, ainsi que la simulation numérique des tests par courants de Foucault.